Interview Michel Gérard
25 juillet 2008
Michel Gérard était responsable qualité chez ADRET Electronique. Il était responsable aussi du service après-vente et du service de Métrologie Habilité par le B.N.M. dans le domaine Temps Fréquence.
Tous les appareils qui sortaient de la production étaient contrôlés par le service qualité et estampillés.
Il n’y avait pas un appareil qui sortait du bureau d’études sans l’accord de la qualité.
Vis-à-vis du bureau d’études, le service qualité était «l’empêcheur de tourner en rond».
Vis-à-vis du commercial, cela les retardait quand il y avait des problèmes techniques.
Dominique Watrin faisait aussi parti du service après-vente. Il a intégré ce service dans les années 1970. Dominique Watrin a repris le service après-vente après le départ de Michel Gérard.
« - Les schémas du récepteur de fréquence étalon 4101A et du multiplicateur d'écart 4110A furent dessinés par Roger Charbonnier. C’était l’un des meilleurs circuiteurs en France à l’époque, sinon le meilleur.» raconte Michel Gérard.
« - Roger Charbonnier et Jean Royer ont revendu leur première société Rochar à Schlumberger.
Ils n’avaient plus le droit de fabriquer des mesureurs.
Roger Charbonnier décida donc de fabriquer des synthétiseurs étalons de tensions et de courant ainsi que des synthétiseurs de fréquences.
A l’époque, ils n’empiétaient sur aucun concurrent dans la gamme de générateurs qui furent conçus.»
« - Une autre société Férisol, qui était aussi située à Trappes (78), proposait des générateurs, mais dans un domaine de fréquence plus élevée.
A propos du récepteur de fréquence étalon 4101A (15 kHz-200 kHz) : Monsieur Charbonnier voyait loin, il avait de grands projets. »
« - Il avait dit à l’époque de la commercialisation de ce récepteur qu’on pourrait mettre, dans toutes les gares et tous les aéroports, des horloges synchronisées sur un émetteur (à l’époque, c’était Allouis). Le projet n’a pas abouti car le propriétaire de l’émetteur d’Allouis, qui était TDF, et le propriétaire de l’horloge de référence au rubidium, était France Telecom. Cela posait des problèmes.»
Quand la référence de temps était perdue, Michel Gérard appelait TDF qui lui répondait qu’il ne pouvait intervenir, car il devait attendre que France Telecom vienne à l’émetteur. Le projet de Roger Charbonnier dans le domaine de la synchronisation des horloges sur le territoire n’a jamais pu aboutir à l’époque.
« - Le 4101A avait été conçu pour tenir compte des problèmes de profondeur de modulation AM de certains émetteurs, quelque fois cent pour cent, ce qui faisait disparaitre la porteuse donc la référence.
Roger Charbonnier avait trouvé une astuce pour que son instrument ne subisse pas trop les sautes d’humeur de l’émetteur en munissant son instrument de circuit de sécurité et d’un moteur pas à pas couplé a un potentiomètre dix tours pour ne pas être en prise direct avec les sauts de fréquences éventuels de l’émetteur.»
« - L’époque de Paris date de 1966. ADRET Electronique était située rue Alphonse Penaud dans le 20ième arrondissement (Métro Saint fargeau). Il y avait deux étages, l’étage supérieur étant consacré à l’administration. ADRET Electronique resta à Paris pendant à peu près une année avant de déménager dans les locaux industriels à Trappes en septembre 1967. La zone industrielle de Trappes était alors en démarrage et mis 20 ans avant de voir l’aboutissement de tous les chantiers. ADRET Electronique acheta son bâtiment à Trappes. A cette époque, les bâtiments industriels étaient bon marché»
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Michel Gérard fut embauché sous le numéro 5 alors qu’ADRET ne comptait pas 10 salariés. Il y avait Roger Charbonnier, Jean Royer comme directeur commercial, Duriez, un juriste.
Joël Rémy fut embauché quelques mois après Michel Gérard.
« - Un mois à un mois et demi furent consacrés à l’installation des locaux. Roger Charbonnier avait commandé des éléments métalliques, entre autres des équerres percées avec des trous ovales, à partir desquelles furent montés, des établis, des tables de travail, des tables supports pour oscilloscopes. »
Michel Gérard fut embauché avec un autre technicien. Tous deux avaient fait une reconversion professionnelle dans le domaine de l’électronique dans un CFPA, centre de formation professionnelle pour adultes, très côté à l’époque situé dans le quartier de la Nation à Paris et étaient devenus d’excellents électroniciens.
Ils ne pouvaient pas mieux tombés à la suite de leur formation que d’intégrer ADRET Electronique. Il avait 26 ans à l’époque de son embauche et sortait de l’armée. Quelques problèmes de santé furent à l’origine de sa reconversion.
C’est Roger Charbonnier qui contacta le centre de formation afin de recruter quelques électroniciens.
Michel Gérard resta 22 ans à l’usine d’ADRET Electronique à Trappes.
Les premiers appareils conçus à l’époque de Paris furent le 301, le 102 et le 201.
Fin 1966 commencèrent les premières études du 202, le futur synthétiseur de fréquences 70Mhz.
« - Ces appareils ont été entièrement conçus par Roger Charbonnier. Au départ, le 201 fut conçu sans aucun circuit intégré. Les débuts d’étude du 201 datent de mai 1966 et durèrent jusqu’à décembre 1966. Au tout début, il y avait une petite équipe de câblage avec un responsable, M.Lucas.» raconte Michel Gérard.
« - Les études sur le 301 furent menées de front avec les études sur le 201, le 102 et le 202 ainsi que les études et réalisations des appareils annexes nécessaires à leur conception. »
A Paris, il y avait un grand local qui était dédié à la réalisation, ancêtre de la production, un autre local, ancêtre du bureau d’études, où se trouvait Roger Charbonnier et Joël Rémy et un labo ou toutes les maquettes, les prototypes, etc…..étaient câblés, montés et testés par les deux techniciens M.Blandel et M.Gérard.
Joêl Rémy aidait les deux techniciens en cas de problème ardu.
Roger Charbonnier venait pour la conclusion et les modifications à apporter au prototype en cours d'étude.
« - En principe, le matin, M.Charbonnier était le premier dans l’entreprise à l’arrivée des techniciens.
Il fournissait des schémas de maquette, à midi la conclusion était tirée sur les deux maquettes et tout le monde allait se restaurer, M.Charbonnier restait souvent avec un casse-croute dans son bureau pour «mijoter» deux autres maquettes dont le sort était réglé en principe le soir. C’est ce rythme qui a permis à la société de sortir en moins de deux ans le 102, le 301, le 201, et le 202.»
Jean Royer est parti aux Etats-Unis à l’époque afin de faire la promotion du 201. Promotion qui ne fut pas couronnée de succès. C’était en 1966-1967.
C’était l’époque où De Gaulle au Québec disait : «Vive le Québec libre !».
Le 201 fut une réussite commerciale en France.
« - C’était un appareil à décades. Dans le 201, il y avait plusieurs décades identiques. Chaque décade correspondant à un bouton de sélection de fréquences. Il y avait évidemment d’autres cartes différentes. Sur ces cartes était implanté un petit circuit de forme cubique d’1 cm3 à deux transistors identiques, des 2N2369.
Ce circuit appelé monostable était l’élément constitutif des décades de 201. Quatre de ces circuits faisaient un diviseur par dix.»
Quelques temps plus tard apparut sur le marché un circuit intégré, le SN 7490, fabriqué par Texas Instruments, société qui était située à Nice à cette époque. C’était un compteur. Joël Rémy est alors parti à Nice pour ramener des composants et des documentations.
« - Roger Charbonnier s’est très vite approprié le fonctionnement de ces compteurs et a alors réalisé des tas de compteurs différents avec ce circuit intégré.
Ce SN 7490 est utilisé dans le 201 comme compteur programmable et est décrit, entre autre, dans la documentation du 201 aux pages IV. 11 à IV.13. »
« - Au final, la conception du 201 et du 301 fut l’œuvre d’un nombre très réduit, Michel Gérard, son collègue Alphonse.Blandel, Joël Rémy et Roger Charbonnier. C’était des produits révolutionnaires à l’époque, ils étaient programmables. L’armée fut un client important. »
Michel Gérard était aussi responsable des pilotes équipant les ADRET.
« - Dans le 201, il y avait un pilote contenant un quartz fonctionnant en partiel 5. Ce pilote contenait un quartz fabriqué par l’ancienne société CEPE.
A l’époque, CEPE fournissait à ADRET des quartzs qu’ADRET contrôlait. Le contrôle portait sur la température de dérive de la fréquence d’oscillation des quartzs. On mettait les quartzs dans une enceinte en aluminium muni de résistances thermiques permettant de chauffer l’enceinte à la température voulue. On réglait la tension imposée aux deux résistances chauffantes pour régler la température. On contrôlait ensuite la fréquence d’oscillation du quartz avec la température, on obtenait une parabole, le sommet de la parabole fixait la température où la variation de la fréquence d’oscillation était minimale. On n’avait plus qu’à régler le pilote à cette température afin d’obtenir un pilote possédant une grande stabilité. Ce dispositif était artisanal au départ. Cette courbe de dérive du quartz n’était pas une donnée fournie par le fabricant CEPE.
C’est Roger Charbonnier qui avait lancé cette mesure dans son entreprise. »
« - Roger Charbonnier avait une formation de physicien très solide. Il avait intégré la physique des composants électroniques.»
« - Dans le 201 ainsi que dans de nombreux autres appareils est utilisé le comparateur de phase conçu par Roger Charbonnier et décrit, entre autre, dans la documentation des 201 page IV.14.
Ce comparateur de phase est génial et il fallait le trouver !»
« - La plupart du temps, au début d’ADRET, Roger Charbonnier faisait faire les appareils dont il avait besoin. Si les études nécessitaient un générateur de signaux rectangulaires, alors les techniciens fabriquaient ce générateur de signaux. Et c’était très souvent comme ça.»
Les premiers oscilloscopes achetés par ADRET furent deux Antarès. Puis ADRET s’équipa d’oscilloscopes haut de gamme comme les Tektronix.
suite....
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