Ces pages sont consacrées aux anciens. Elles contiennent diverses informations sur la carrière et le parcours des anciens. Quelques photos sont incluses lorsque les anciens le désirent. Les interviews réalisées sont retranscrites petit à petit.

Je remercie vivement Jean Leroy d'avoir consacré du temps au projet de sauvegarde de la mémoire d'Adret Electronique.


Jean Le Roy

 

ADRET ELECTRONIQUE
Raconté par Jean Le Roy

Qui suis-je ?
Je suis né en 1935 en Bretagne. Après quatre années d’études secondaires au collège du Kreisker à Saint Pol de Léon dans le Finistère et une année sabbatique (déjà!) sur les bords romantiques de la Grande Brière en Loire Atlantique, je suis « monté » à Paris en 1953 pour suivre les cours de radio à l’Ecole Centrale de TSF de la rue de la Lune près de la porte St Denis. Cette école privée a permis à de nombreux jeunes, qui  comme moi ont raté le coche des études longues du fait de la guerre et de l’occupation, d’apprendre un métier d’avenir. On ne parlait pas encore d’électronique, seulement de radio et de radar.
En 1957 je suis embauché par la CSF au centre d’Issy les Moulineaux comme Agent Technique. Ce centre était spécialisé dans les équipements de télévision Video et V/UHF. De Janvier 1958 à Avril 1960 l’état m’a payé de longues vacances au Maroc et en Algérie. Je reprends mon job à la CSF en Mai 1960. J’ai mené à son terme l’étude du premier « truqueur électronique d’images » qui permettait de passer d’une image TV à une autre en utilisant des volets diversifiés. Certains producteurs, comme Jean Christophe Averty de TV des années 60 s’en donnaient à cœur joie jusqu’à donner le tournis.
Assez rapidement je me suis trouvé à l’étroit entre les murs de mon labo. C’était le début d’une nouvelle profession, celle des Technico-Commerciaux.
Dans les années d’après guerre, il suffisait de produire et les clients venaient acheter.
Dans les années 60, du fait de l’accroissement de la production et de l’apparition des importations de composants et d’appareils, il devenait nécessaire de démarcher les clients pour accroitre les ventes.
Les ingénieurs diplômés rechignant à devenir des « vendeurs », les sociétés ont fait appel à des techniciens confirmés et leur ont offert des rémunérations bien supérieures à celles qu’ils avaient en labo ou en usine.
Cette filière à constitué une voie promotionnelle à toute une génération de techniciens. C’est ainsi que j’ai vu plusieurs collègues partir chez des distributeurs de composants ou d’appareils de mesure.
Quelques semaines après leur départ, ils venaient nous voir en costard bien coupé et au volant de Simca P60 alors que nous travaillions en blouse grise et n’avions que des 2 CV ou des Dauphine.
Ils nous montraient leurs fiches de paie avec des montants doubles des nôtres !
J’ai sauté le pas en 1963. D’abord chez CRC, une filiale de la Compagnie des Compteurs de Montrouge.
J’y suis resté trois ans et  j’ai appris les bases du métier.
La Compagnie des Compteurs était une vieille société qui ne connaissait pas la promotion interne, on y entrait balayeur et on le restait jusqu’à la retraite.
J’ai donc rejoint une petite société d’importation, la société Mesureur dirigée par un homme charmant, d’une grande humanité, Mr Blum.
Mon salaire avait augmenté de 50% et j’étais promu Ingénieur Technico-Commercial ! Cependant il m’était pénible de promouvoir des produits étudiés et fabriqués à l’étranger, aux Etats-Unis, en Angleterre et en Allemagne.
Les contacts étaient difficiles, il n’y avait pas encore internet.
J’ai donc accepté d’emblée la proposition que m’a faite Adret Electronique, une société en cours de démarrage. Elle s’apprêtait à commercialiser des générateurs synthétiseurs de fréquence. Il se trouvait que chez Mesureur nous représentions la société allemande Shomandl qui fabriquait le même type de matériel depuis plusieurs années, je connaissais donc le marché de ces produits très peu répandus à l’époque.
J’ai été embauché par Adret début 1967 par René Gormezano et j’ai rejoint la société le 3 Avril 1967.

Les origines et les objectifs de la société Adret Electronique
Adret fût créée par Jean Royer et Roger Charbonnier en 1966.
Jean Royer, né le 4 mai 1920, est diplômé de Supélec (Ecole Superieure d’Electricité).
Roger Charbonnier, né en 1921 était diplômé de l’ESPCI (Ecole supérieure de Physique et de Chimie Industrielle de la Ville de Paris).
Ils se rencontèrent chez Thomson au département Télévision. Pour conduire leurs études ils manquaient cruellement d’appareils de mesure. Ils obtinrent de leur direction l’autorisation de développer eux-mêmes les appareils dont ils avaient besoin.
C’est ainsi que naquit leur vocation.
Ils firent part à leur direction de leur intention de créer leur entreprise pour développer et commercialiser des appareils de mesure. Thomson les encouragea et même les aida à démarrer leur propre société qu’ils appelèrent ROCHAR (contraction de ROyer CHARbonnier).
Créée en 1946, ROCHAR développa de nombreux systèmes de mesure de paramètres physiques pour les sociétés travaillant pour la défense.
Puis avec l’apparition des afficheurs numériques à tubes Nixie, Roger Charbonnier développa, dans les années 50, toute une série d’appareils de mesure à affichage numérique (ou digital), et particulièrement des fréquencemètres et des voltmètres numériques qui firent le succès de la société jusqu’aux années 60.
Le site internet suivant permet de se rendre compte de l’état de la technologie de l’époque. http://paillard.claude.free.fr/lampes/rochar/rochar.html.
Vers 1962/63, Jean Royer visita un salon de composants électroniques aux USA et découvrit, héberlué, les premiers afficheurs à état solide.
Il comprit très vite que la technologie à affichage par tubes serait bientôt obsolète. De retour en France il alerta les centres de recherche, le ministère de l’industrie…rien n’y fît, cela n’intéressait personne.
Convaincu que l’avenir de sa société était lié à l’accès, sinon à la maitrise, de cette nouvelle technologie, il rechercha des partenaires disposant de laboratoires de R & D et intéressés à coopérer. Il trouva Schlumberger qui avait un laboratoire aux USA.
C’est ainsi que Schlumberger entra d’abord dans le capital de ROCHAR puis en prit le contrôle en 1965.
Entre temps, Schlumberger avait décidé la fermeture de leur laboratoire de recherche en Amérique.
Déçus et découragés, les deux fondateurs quittèrent la Schlum, et avec les fruits de la vente de ROCHAR décidèrent la création d’une nouvelle société avec l’objectif d’étudier, de développer et de fabriquer des appareils de mesures électroniques.
Mais voilà ! en vendant ROCHAR ils s’étaient engagés à ne pas fabriquer d’appareils de « Mesure » de paramètres électriques pour une période de plusieurs années.
Ils avaient une clause de non-concurrence de 2 ans pour laquelle ils étaient rétribués mais qui leur interdisait de débaucher du personnel.
Alors que faire ? Leur décision montre à quel point ils étaient clairvoyants.
Leur raisonnement fut le suivant : La mesure, l’acquisition pour être précis, des paramètres électriques faisait de plus en plus appel aux techniques numériques mais la simulation des mêmes paramètres, nécessaire pour effectuer les tests de nombreux systèmes, était encore exclusivement analogique.
On commençait à parler de test automatique, la « mesure » digitale était disponible mais pas la simulation. Le contrôle des paramètres des générateurs-simulateurs demeurait exclusivement manuelle.
Ce fût le génie de Roger Charbonnier d’imaginer ce que personne n’avait encore réalisé, générer des paramètres électriques analogiques à contrôle numérique.
Il choisit d’abord la tension continue calibrée, puis la génération de fréquences BF, HF et V/UHF.
L’élaboration de systèmes de tests automatiques programmables numériquement devenait possible.
Les principes de fonctionnement des ces instruments sont expliqués par ailleurs, il est donc inutile de les développer ici. Je rappellerai seulement que leur programmation s’effectuait en BCD parallèle 1248, tout comme les données fournies par les systèmes de « mesure ». Le bus IEEE 488 n’est apparu que bien plus tard.

Création et démarrage de la société Adret Electronique
La société fut créée début 1966 dans des locaux provisoires situés rue Alphonse Penaud Paris 20e.
Au démarrage, la société était ainsi composée :
.    Jean Royer, Président.
.    Roger Charbonnier, Vice-Président et Directeur Technique.
.    Mr Duriez, Directeur Administratif et Financier.
.    Michel Gérard, Technicien
.    Alphonse Blandel, Technicien.
.    Joël Rémy, Ingénieur d’études. Il venait de Ribet Desjardin qui venait d’être racheté par CRC filiale de la CDC. Ribet Desjardin fabriquait des oscilloscopes. Cette société a fait naufrage, comme bien d’autres sociétés françaises emportées par le déferlement des produits américains, qui avaient profité du fantastique développement de l’électronique militaire durant la 2e  guerre mondiale.
.    René Gormezano, Directeur Commercial. Il venait d’une filiale Thomson : Les condensateurs Embasaygues.
.    Monique Métayer, matricule n° 7, (maintenant Monique Darantière), Secrétaire.
.    Xxxx Spada, Administration des ventes.
.    Jean Le Roy, premier Ingénieur Technico-Commercial rattaché à René Gormezano.

.    Roger Lavergne, Directeur Administratif et Financier. Il a remplacé Duriez. Il venait également des Condensateurs Embasaygues, filiale de Thomson.
.    Liakoff et sa secrétaire : achats, Jean-Pierre Lucas, Annie Walker (secrétaire))
.    Charles de Faure,

Dès    le démarrage de la société, les rôles des deux fondateurs-dirigeants étaient parfaitement définis.
Jean Royer était le maître de la communication et Roger Charbonnier de la technique.
Je ne les ai jamais vu empiéter sur les domaines de l’un ou de l’autre, peut-être qu’en privé en parlaient-ils, encore que j’en doute.

Lancement des Produits
Pour lancer la société, Jean Royer avait fait appel à une agence de publicité (P.V.C. je crois) pour créer l’image d’Adret.
La couverture de la première pochette assimilant Adret à une jeune plante était particulièrement réussie. L’idée était : « une génération qui monte ».
Les premières fiches techniques étaient également, pour l’époque, particulièrement léchées. Voir les copies ci-après.

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Les premiers produits
Pour paufiner la définition des premiers produits, Roger Charbonnier et René Gormezano firent un tour de France des principaux clients civils et militaires.
Cela n’empêcha pas que le Codasyn 301 vit sa diffusion relativement freinée par le fait que sa fréquence était limitée à 100 kHz alors l’application la plus prometteuse, le test des groupes primaires de téléphonie, nécessitait de couvrir la gamme de 64 à 108 kHz.
J’ai su plus tard que certains clients, comme la CIT, modifièrent eux-mêmes les appareils. La commercialisation du Codasyn 201 régla le problème puisqu’il allait jusqu’à 2 MHz.

La première pub d’Adret.
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Cette première publicité a dû sortir en Avril ou Mai 1967. (A l’occasion de Mesucora en avril, certainement).
Seul le 301 existait en tant que prototype, le codavolt 102 et le Codasyn 201 étaient des « dummies » (factices) mais avaient l’avantage de donner immédiatement un effet de gamme.

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Le premier produit commercialisé fut donc le Codasyn 301.
Codasyn pour rappeler que l’appareil générait des signaux synthétisés à partir de codes numériques, même lorque les boutons de la face avant sont utilisés.
Je fis les premières démonstrations dès le mois de Mai 1967 alors que nous étions encore rue Alphonse Penaud.
Le succès fut rapide et considérable, surtout auprès des sociétés de téléphonie comme la CIT (devenue plus tard Alcatel) et le CNES à Brétigny.
Pour accélérer les tests, les clients demandèrent des programmateurs préréglables à l’aide de commutateurs codés.
Les programmateurs électroniques n’existaient pas encore (encore moins les PC/ordinateurs bien sûr !).
Ces programmateurs permettaient de prérégler 8 à 10 valeurs de fréquence qui pouvaient ensuite être sélectionnées à l’aide du commutateur en face avant ou par un contact électrique connecté en face arrière.
Beaucoup de clients bricolèrent des pédales pour libérer les mains des manipulateurs et gagner du temps.
Adret était absolument la seule société à fournir ce service.
Avec les programmateurs, il fallut fournir des afficheurs pour rassurer le client sur la bonne valeur du signal programmé. Ils ne mesuraient pas la fréquence, ils affichaient seulement les codes de contrôle.
Les appellations Codavolt et Codasyn durent être abandonnées quelques années plus tard à la demande de Kodak qui avait breveté tout ce qui commençait par coda…Elles furent remplacées par CV et CS. Finalement c’était plus court !
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Un Codasyn 201 dans un banc de test semi-automatique de la CIT

 

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Premier salon Mesucora. De gauche à droite : Jean Le Roy, une hotesse, une secrétaire, René Gormezano (directeur commercial) et Jean Royer (Président). Date probable Octobre 1967.

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Un autre salon, vers les années 72.
Au premier plan, les quatre commerciaux d’Adret, de gauche à droite : Jean Pierre Benon, Michel Martin, Charles de Faure et Jean Le roy. Au second plan, Jean Claude Réghinot, responsable de la documentation commerciale et de la publicité.
La fille de Jean Claude est organiste de la cathédrale de Chartres.

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Extrait d’un des deux numéros du Journal d’Adret. Il devait avoir une parution trimestrielle mais les rédacteurs étaient fatigués !

 

 

 


 

 

Quelques photos...

Avec ici, de gauche à droite, Gérard Sauvage, Jean Leroy, Michel Martin.